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Bolshoi Underground © Bruno Aveillan |
Bruno Aveillan a séduit le théâtre du Bolchoï, en plein renouveau. Le 15 mars 2010, à deux jours de la création de La Chauve-Souris, de Johann Strauss, mise en scène par le jeune Vasily Barkhatov, la présence du photographe et réalisateur français est une surprise pour tout un peuple en coulisses. Autorisé à saisir une dimension intime et rare de ce théâtre mythique, l’artiste rapporte de son aventure de l’autre côté du rideau un document photographique d’exception qu’il nomme Bolshoi Underground.
Alors qu’il entame sa visite, à pas feutrés, une immensité l’attend en fabuleux présent. Au-delà de ce monde, un nouveau monde surgit.
D’emblée, le photographe se fond parmi les existences hantées par la répétition générale qui évoluent en nombre, plus ou moins anonymes, derrière les décors de Zinovi Margolin. L’intrusion passe inaperçue, disons plutôt qu’elle est niée comme telle par une sorte d’accord tacite ou conclu d’un simple échange de regards.
Artiste parmi les siens, en déambulation onirique sur les flux de lumière, il avance avec la discrétion délicate d’un félin, s’éprend de toutes les atmosphères qu’il traverse sur le chemin de sa découverte, où la magie de l’âme russe s’éploie de toutes parts.
Une belle jeunesse de figurants se prépare, certains ont déjà enfilé leurs costumes de scène signés Igor Chapurin. Tout le personnel du Bolchoï répète ses rôles respectifs. La générale fait battre les coeurs plus fort, trembler les mains, résonner les silences et les musiques qui s’accordent. Chaque oeil croisé révèle une âme vouée à l’oeuvre qui se crée.
C’est une photographie d’errance mélancolique, qui épouse les mouvements des airs, se délecte de toute source lumineuse, du moindre souffle inspiré, d’un infime frisson de doute perçus au hasard des couloirs.
Des substances diaphanes versent des mélodies intérieures, des couleurs vivantes!glissent le long des êtres et des objets, se pénètrent les unes les autres. Chaque rayon convie un germe de rêve.
Ce que le photographe a voulu voir, ce qu’il a vu, ce qu’il a saisi puis montré et dissimulé, à sa façon, pour des raisons subjectives, par excellence uniques, souvent énigmatiques pour soi-même et certaines mystérieuses à jamais, impose des oscillations entre réel et surnaturel, entre dedans et dehors, entre avant et après. Comme dans la poésie de Marina Tsvetaeva, il s’agit peut-être de « défendre dans le temps ce qu’il a d’éternel, ou bien immortaliser ce qu’il a de temporel, quelle que soit la façon de tourner : au temps – c’est-à-dire au siècle d’ici-bas – s’oppose le siècle de l’autre monde ».
Et de se demander si certains fantômes ne se faufileraient pas à son insu dans les replis invisibles de ses photographies, s’ils n’y commémoreraient pas, à leur manière subtile, Le Triomphe des Muses, les heures de gloire de Cendrillon, les créations éternelles de Tchaïkovski et de Rachmaninov.
Ses images envoûtent parce qu’il est le premier envoûté par ce qu’il observe et qui s’offre en retour. Il appelle à des finesses d’expérience privée, à des échappées imaginaires.
Il se laisse ensorceler par les personnages animés de passion et d’angoisse, dans l’ombre et la lumière de l’illustre institution. À la manière dont Francis Bacon l’entendait pour sa peinture, le photographe oeuvre dans l’espoir que les hasards et les accidents interviendront en sa faveur. De fait, ils agissent.
Sa photographie est, en ce sens, une expérience de désir à la fois charnel et spirituel. Le médium est puissant et, fort d’objectifs sensibles, s’imprègne de « cette solitude illimitée, telle que l’éprouvait Rainer Maria Rilke, qui fait de chaque jour une vie, cette communion avec l’univers, l’espace en un mot, l’espace invisible que l’homme peut pourtant habiter et qui l’entoure d’innombrables présences ».
Le photographe est sensible à l’intimité de chaque artiste et plus encore à celle de l’être en soi déguisé, sous le costume de scène. Le vif d’une multitude de solitudes au début de l’effervescence l’enivre à la russe de ces R enroulés dans les mots incompris. Derrière chaque porte entrebâillée, au détour d’un couloir, dans les galeries, les coursives et les travées, une nouvelle lumière, un autre visage prennent possession de leur rôle à l’écart, se profilent parfois dans la pénombre, ou devant un miroir.
Sur scène, du jeu, du fard et des paillettes. Au-delà, du travail, du trac et des prières. Et mille contes, mille films se bousculent dans l’étroitesse de chaque image, à la mesure pléthorique de chaque être esseulé.
Un geste seul, celui d’une main tatouée par le temps qu’un homme élégant et soigné abandonne au velouté d’amande, évoque l’attention et l’échange confiant, la parole dénouée. Et lorsque son visage apparaît, plus austère et âgé qu’attendu, tout auréolé de cheveux blancs et d’expérience altière, c’est encore autre chose qui s’exprime. De son regard émane une profondeur tragique où sont gravés des pans entiers de son histoire personnelle au coeur du Bolchoï. Des succès pleins et des échecs cuisants qu’il pourrait sans doute conter des jours entiers. Comédien de la grande maison, jusqu’à la moelle. Son rôle est mince à bord du navire, mais il l’honore comme sa première peau.
En quête du dynamisme poétique des éthers qui transcendent l’espace, Bruno Aveillan fait flèche de tout bois. D’épingles à cheveux rehaussées d’une perle, précieux accessoires conservés comme un trésor dans sa cassette, il dérobe d’infimes parcelles de féminité ; au gré des portes ouvertes, il collecte les secrets d’art, de coeur et de beauté.
Son regard s’attarde sur une profusion de bottines à lacets usées et de chaussons de satin rose qui, encore abandonnés ce soir dans leur caisse, ne glisseront pas sur scène aux pieds menus des sylphides. Ils demeureront entassés là, non sans grâce. Des souliers d’homme subiront le même sort dans un carton non loin. Pas pour toujours, c’est certain. Bien sûr, le cintre, épaules essentielles à la transition du vêtement, accroche les prunelles brunes qui lui taillent aussitôt sa part belle.
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Bolshoi Underground © Bruno Aveillan |
Des aires de pause, de réflexion protégée, d’introspection obligée, zones d’intimité artificielles, s’érigent dans la pâleur des néons ronds au plafond. Tête-à-tête avec le texte ou la partition, duo de cantatrices rouges, et autant de rencontres magiques avec l’art vivant.
À chaque instant, l’apparition d’un trouble, l’intensité d’un recueillement. Curiosité d’un silence apparent quand tout bruisse de pensées, de chants, de danse et de musique, de ce qui parle profondément et sourd dans la lumière qu’il ne faut pas froisser.
Une jolie tête fardée qui n’a plus le droit de pleurer cherche pour l’heure à blottir son tourment nerveux teinté d’une gracieuse lassitude, contre la douceur familière du sofa gris. L’épuisement n’est pas encore à la dissimulation. « Une lente humilité pénètre dans la chambre qui habite en moi dans la paume du repos » doit murmurer Tristan Tzara. Sous sa blondeur ébouriffée, le prodige du Bolchoï, Barkhatov, l’admet volontiers en toute simplicité sous le regard bienveillant qui l’interroge dans un laps de complicité candide.
Le photographe, comme le poète – selon les mots de Gaston Bachelard –, est ici « sans cesse contemporain d’une osmose entre l’espace intime et l’espace indéterminé ».
Doux saisissement à la vue d’une femme assise face à soi-même dissimulée dans le tain, au fond de l’ailleurs intérieur instauré sous le visage de chair. Son destin se dessine dans l’exercice douloureux de la perfection, cette nécessité de blessure infligée à soi-même afin de chanter sur les cimes.
Au milieu d’une salle de maquillage, une nuée de sylphes se glisse dans la peau de petits mousses peroxydés. D’indicibles émotions en chavirent une, perdue dans sa bulle qui ressemble à « la cellule de moi-même [qui] emplit d’étonnement la muraille peinte à la chaux de mon secret », née dans l’esprit de Pierre-Jean Jouve.
Nostalgique tangage d’un cirque sur les eaux dévoilé au passage. Et vogue le navire. Il fallait un clin d’oeil à Fellini.
« Personnage es-tu là ? » Une poupée russe se surprend en apnée au bout de ses songes, impossibles à percer en vérité dans la dureté de la cire qui l’enserre. Une autre belle, isolée au secret d’un vestiaire, impose la perfection d’un profil amoureux d’où s’échappe peut-être un message mental à l’amant : « Viendras-tu admirer ma beauté irréelle, éprouver ton désir à ma présence en pleins feux ? » Non, seul compte le double qui joue en soi, on ne badine pas ou si peu avec le monde extérieur lorsqu’on est si près de brûler la scène.
Le photographe poursuit avec ravissement l’exploration des lieux où soudain émerge l’icône inattendue d’une délicate adone orthodoxe, le corps ceint d’auréoles, les yeux levés au ciel, en pure prière versée dans la lumière que l’on jurerait divine. L’atmosphère se sacralise ainsi parfois, en une fugace poussée verticale, une ascension imaginaire peinte comme celle de la Jeune Orpheline au cimetière d’Eugène Delacroix.
L’oeil du photographe s’abreuve d’une phénoménologie d’âme, dévoile la fragilisation de l’instant, prône l’abstraction, galvanise l’imaginaire, comble la réalité.
Plus loin, sous une fausse moustache, une folle envie de rire qui devra, en revanche, éclater sans tarder, se laisse pour l’instant deviner par l’oeil amusé du photographe.
Le regard slave, en pétillement contrôlé, continue pourtant de lutter pour imposer le sérieux de son habit qui doit faire impression au bal du prince Orlofsky.
Ailleurs, une ballerine travaille son grand art à la barre, diffuse le labeur poétique d’une certaine sprezzatura, ce don du détachement suprême, tel le déploiement d’ailes d’un ange ou d’un cygne. Un vol en soi.
Plus profond encore au coeur de l’organisme fourmillant, la plongée se trouble dans le désenchantement caché et l’ébranlement du temps. La chef machino, au fond des quartiers rudes du bateau, dans l’intimité de son labyrinthe de couloirs déserts ou d’un monte-charge aux murs gris, se tient debout loin de tous les feux qui autrefois scintillaient sur sa peau heureuse. L’histoire du lieu inscrite sur ses traits de quatre-vingt-dix ans creusée en rides. Ces rigoles de sueur et de larmes, inscrites par chaque effort, chaque pensée, chaque regard, chaque épreuve qui fondent et justifient toute une vie voulue sous ce toit-là, jusqu’au bout du souffle.
Reconnaissance ad vitam pour la part de lumière reçue à l’heure enchanteresse de sa jeunesse d’étoile, dont elle tire une intarissable fierté, à jamais éclatante. La vieille dame veille sur le temple, en secret, avec respect et dignité.
À l’heure d’un sommeil crève-coeur, déconcertant, retentissent de terribles lignes de Thomas de Quincey auquel il semblait « chaque nuit – non pas métaphoriquement mais à la lettre –, descendre dans des gouffres et des abîmes sans lumière au-delà de toute profondeur connue, sans espérance de pouvoir jamais remonter ».
De fait, au réveil, il comprenait qu’il n’était pas revenu. Il était condamné à l’absolue noirceur. Le seul dans cette sorte d’enfer.
À quelques encablures, n’échappent pas non plus au photographe les sombres silhouettes d’impossibles mécanismes, de rouages et de chaînes aux belles patines métalliques, où des rayons dardent aussi en beauté, comme autant de résonances personnelles – en provenance d’un antique labyrinthe au beau trio d’argile – perçues en parallèle.
De retour, en contraste, à la matière du faste entre les colonnes des salons clinquants, où dorures, bijoux, fourrures, taffetas, soies et velours aveuglent en éclats de couleurs, la sage dame en rouge et l’exubérante dame en vert demeurent noyées dans le flou de l’instant. Il les aura voulues ainsi, seulement.
Déjà, les premiers rôles approchent. Une diva, vêtue d’un fourreau noir à la Gilda, femme fatale en conversation animée, flanquée d’une collaboratrice zélée, miroite au milieu d’un couloir. Quel genre de comédie russe peut bien se jouer là ?
À l’horizon, un mouvement bleu marin, digne de Vingt mille lieues sous les mers, enveloppe soudain la matière blanche et la forme voluptueuse que compose Dinara Alieva pour donner vie à Rosalinde. Les tonalités bleues aux reflets psychédéliques se propagent partout, recouvrent toutes les surfaces, au moment de son apparition sur le pont, comme la mer scintille pour l’emporter.
Le commandant du bateau ivre, Nikolai Kazansky, alias Frank, épié alors qu’il finit de parfaire la tenue de son uniforme, se tient lui aussi prêt à prendre le large. Il n’a pas l’air bien commode sous sa casquette. Sévérité d’officier oblige. Le personnage a pris corps, bel et bien, pour la croisière. Un de ses subalternes en ombre chinoise, cadet à l’âme vague, dompte son souffle dans un coin calme du navire Strauss, avant de se jeter tout entier de l’autre côté du réel, de se livrer aux creux et aux pleins du grand jeu. Un sang d’exaltation bat assurément les tempes.
Et tandis qu’un violoncelle attend son heure, sa crosse en clé de sol cajolant une illusion d’optique, d’autres cordes vibrent déjà sous la direction du chef Christoph-Mathias Mueller, infiltrent les étages de leurs ondes joyeuses, donnent le signal aux amarres qui se larguent et aux filins bien huilés qui se déroulent.
En levant les yeux, une mystérieuse songeuse costumée se découvre, prisonnière de quelque mission obscure peut-être, assise sur les marches métalliques toutes proches des rampes de lumière. Dans l’attente de certain événement décisif pour l’action, elle convoque à son insu l’image d’un film noir ainsi qu’une voix venue du froid qui résonne dans la polyphonie des solitudes.
– Mais qui pour me voir ? Je suis caché en moi.
Préface de Zoé Balthus à Bolshoi Undergound, Bruno Aveillan
Textes de Stéphan Lévy-Kuentz et Zoé Balthus (Ed. Au-delà du raisonnable, Coll. Les Littératures visuelles)
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Bolshoi Underground © Bruno Aveillan |
Bruno Aveillan has conquered the heart of the Bolshoi, a theatre currently reinventing itself. Two days before the opening of Johann Strauss’ Die Fledermaus, on 17 March 2010, directed by the young Vasily Barkhatov, the presence of the French photographer and director comes as a surprise to everyone backstage. Authorized to capture a rare and intimate dimension of this legendary theatre, the artist returns from his adventure on the other side of the curtain with an outstanding photographic document that he names Bolshoi Underground.
As Aveillan begins his visit, stepping cautiously, immensity awaits him in guise of a wonderful gift. Beyond this world, a new world emerges.
Right from the start, the photographer blends in with the lives of those preoccupied by the dress rehearsal, as both their number and anonymity fluctuate behind Zinovi Margolin’s sets. The intrusion goes unnoticed, or ne might say it is not regarded as such by means of a tacit agreement, concluded through a mere exchange of glances.
An artist among artists, wandering dreamily upon shafts of light, he advances with a feline discretion, and becomes enamoured with each atmosphere he encounters on a road of discovery where the magic of the Russian soul unfolds everywhere.
A flurry of young walk-ons prepare themselves, some have already donned the costumes designed by Igor Chapurin. All the members of the Bolshoi rehearse their respective roles. The dress rehearsal makes hearts beat stronger, hands tremble, and silences resound in harmony with the music. Each shared glance reveals a soul dedicated to the work in creation.
It is a photography of melancholic roving that merges with the movement of air, feeds on any source of light, the slightest intake of breath, of a minute shudder of doubt, caught at random in the corridors. From diaphanous substances are poured internal melodies, bright colours slide along people and objects, penetrating each other. Each ray holds a dream in germination.
What the photographer wanted to see, what he saw, what he captured, then showed and concealed, for subjective reasons, par excellence unique, often enigmatic for one’s self and some forever mysterious, impose oscillations between the real and the supernatural, between inside and out, between before and after. As in the poetry of Marina Tsvetaeva, this could be “defending that which is eternal in time, or immortalising that which is temporal, whatever way it is portrayed… In time, that is to say, in the century down here – stands opposed the century of the other world”.
One wonders if certain ghosts aren’t sneaking into the invisible folds of his photographs without his knowledge, if they aren’t commemorating, in their own subtle way, The Triumph of the Muses, the glory hours of Cinderella, the timeless creations of Tchaikovsky and Rachmaninoff.
Aveillan’s images captivate because he himself is the first to succumb to what he sees and what is offered in return. He calls on the finesse of his own experience, upon imaginary excursions.
He allows himself, in the shadows and light of the illustrious institution, to be spellbound by the passion and anguish fuelled characters. In the way that Francis Bacon meant for his painting, the photographer works in the hope that coincidences and accidents will intervene in his favour. In fact, they do.
Aveillan’s photography is, in this sense, an experience of desire, both carnal and spiritual. The medium is powerful and, being full of sensitive objectives, is impregnated with “this unlimited solitude” as Rainer Maria Rilke experienced it, “When he made a life out of each day, that communion with the universe, space in a single word, the invisible space that can be inhabited by man nevertheless and which surrounds him with innumerable presences”.
The photographer is conscious of the intimacy of each artist and even more so to that of the being under the costume, disguised. The rawness of multiple solitudes on the brink of effervescence intoxicates him in Russian style with R’s rolled up in misunderstood words. Behind each half-open door, along a corridor, in the flies, ramps and walkways, a new light, a different face takes possession of its role on the side-lines, sometimes rofiled in the shadows, or before a mirror.
On stage, acting, make-up and sequins. Beyond; work, stage-fright and prayers. And a thousand stories, a thousand films jostle within the confines of each image, to the excessive tempo of each forsaken being.
A single gesture, that of a hand tattooed by time, one an elegant man abandons for almond smoothness, that evokes careful mannerism, confident interaction, unravelled speech. And when his face appears, more austere and older than expected, framed by a halo of white hair and noble experience, it is something yet different that is expressed. From his gaze emanates a tragic depth wherein entire sections of his own story at the heart of the Bolshoi are engraved. Acclaimed successes and bitter failures that he could probably recount for days on end. An actor of the grande maison, to his very core. He only has a small part on boardship, but he pours his heart into it.
Seeking the poetic dynamism of the ether that transcends space, Bruno Aveillan uses every trick in his pocket. From hairpins adorned with a pearl, to valuable accessories stored like treasures in a jewelcase, he reveals the minutiae of femininity, as doors open to him he collects the secrets of the art, the heart and of beauty.
His gaze lingers on a profusion of pink satin ballet shoes and worn lace-up boots that, abandoned in their box for this evening, will not slide on stage on a Sylphide’s slender foot. They will stay piled up there, gracefully. Men’s shoes of dark lustre will suffer the same fate in a box nearby. Not for ever, that is sure. Of course, the hanger, necessary shoulders for the transition of garments, catches the attention of the photographer’s brown eyes that instantly give it a leading role.
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Bolshoi Underground © Bruno Aveillan |
There are places for pause, for protected reflection, necessary introspection, areas of artificial intimacy that stand in the pallor of the round fluorescent ceiling lights. Tête-à-tête with the script or the score, a pair of red-headed singers, and as many magical encounters with performance art. Every moment, the apparition of a disturbance, the intensity of contemplation. The curiousness of a silence appearing when all around everything hums with thought, song, dance and music.
A pretty rouged head that no longer has the right to weep is seeking a moment in which to blot out her nervous torment, tinged with a graceful lassitude, by resting against the familiar softness of the grey sofa. Exhaustion is not yet something that can be concealed. “A slow humility penetrates the room that lives inside me in the palm of repose”, must murmur Tristan Tzara. Beneath his tousled blond locks, Barkhatov, the Bolshoi’s prodigy, accepts this in all simplicity under the benevolent eye that questions him in a lapse of candid complicity.
The photographer, like the poet in the words of Gaston Bachelard, is here “the constant contemporary of an osmosis between intimate space and indeterminate space”.
There’s a gentle shock at the sight of a woman sitting facing herself hidden in the mirror, deep in an elsewhere installed under the face of flesh. Her destiny is drawn in a painful exercise of perfection, the necessity of a self-inflicted wound in order to reach the high notes.
In the midst of a make-up room, a cloud of sylphs take on the roles of little peroxided cabin-boys. One of them is overcome with unfathomable emotions, lost inside her bubble that looks like “the prison of myself [that] fills with amazement the whitewashed wall of my secret”, in the spirit of Pierre-Jean Jouve.
The nostalgic pitch of a circus at sea is revealed in passing. And the ship sails on. There had to be a nod to Fellini.
“Character, are you there?” A Russian doll surprises herself holding her breath as she comes to the end of a daydream, a truth impenetrable due to the hardness of the wax in which she is encased. Another beauty, isolated in the secrecy of a cloakroom, imposes the perfection of an amorous profile in which a mental message may be passed to a lover: “Will you come to admire my unreal beauty, express your desire for my presence under spotlights?” No, all that counts is one’s understudy inside, one does not flirt, or so very little, with the outside world when one is so close to treading the boards.
The photographer pursues with delight the exploration of the place from which suddenly emerges the unexpected icon of a delicate Orthodox madonna, her body surrounded by halos, eyes raised heavenwards, in pure prayer and bathed by a light that one would swear divine. Hence the atmosphere sometimes becomes sacred, in a fleeting vertical thrust, an imaginary ascension painted like Eugène Delacroix’s Young Orphan Girl in a Cemetery.
The photographer’s eye is refreshed by the phenomenology of the soul, unveils the fragility of the moment, advocates abstraction, galvanises the imaginary, compounds reality.
Further on, under a false moustache, a terrible desire to laugh that must explode any second, for the time being lets itself be distinguished by the photographer’s amused eye. The Slavic eyes, in their controlled effervescence, nevertheless continue struggling to impose the seriousness of an attire that must make an impression at Prince Orlofsky’s ball.
Even deeper at the heart of this bustling organism, the dive becomes murky in hidden disenchantment and the shaking of time. The ship’s chief engineer, deep in the bowels of the vessel, in the intimacy of this labyrinth of deserted corridors or of a greywalled goods lift, stands far from the spotlights under which her happy skin once glittered. The history of the place is written in her ninety-year-old face, dug into wrinkles. These channels of sweat and tears, inscribed by every effort, every thought, every look, and every test that is the foundation and justification of a whole life willingly led under this roof, to the point of exhaustion. Recognition ad vitam for the part played by the light received in the enchanted hours of her youth as a star, from which she gleans inexhaustible, forever sparkling pride. The old lady watches over her temple, in secrecy, with respect and dignity.
At the moment of a heart-breaking, disconcerting sleep, echoing with the frightening lines of Thomas de Quincey to whom it seemed, “each night – not metaphorically, but literally – descends into the gulfs and the abyss without light beyond any known depth, without the hope of ever being able to emerge.” In fact, when he awoke he understood that he had not returned. He was condemned to absolute darkness. The only one in this sort of hell.
A couple hundred yards away, the dark silhouettes of improbable mechanisms do not escape the photographer. Gear-wheels and chains of glinting metal, where so many rays of light dart with such beauty, like as many personal resonances – originating from an ancient labyrinth of a beautiful clay trio – seen in parallel.
Returning, in contrast, to things luxurious, among the columns of magnificent reception rooms where gilding, jewels, furs, taffetas, silks and velvet are blindingly brilliant in their colours, the wise lady in the blur of the moment. That is how he wanted them, though.
Already, the first lead roles approach. A diva, wrapped in a black fur like Gilda, femme fatale in animated conversation, flanked by a zealous companion, looks at herself halfway down a corridor. What sort of Russian comedy might possibly being here?
On the horizon, a navy blue movement, worthy of Twenty Thousand Leagues Under the Sea, suddenly envelops the white matter and voluptuous form that Dinara Alieva is composed of, to give life to Rosalinda. Shades of blue with psychedelic reflections are propagated everywhere, covering every surface, as she appears on the bridge, as though the sea sparkles to carry her away.
The drunken ship’s captain, Nikolai Kazansky alias Frank, closely watched as he puts the finishing touches to his uniform, is also ready to set sail. He doesn’t look very agreeable under his cap. An officer requires severity. The character has taken shape, well and good, for the cruise. One of the subordinates stands in silhouetted shadow, a young melancholic man, controlling his breath in a quiet corner, before throwing himself wholeheartedly into the other side of reality and delivering himself to the ups and downs of the performance.
And while a cello awaits its moment, its treble clef cajoling an optical illusion, other cords are already vibrating under the conductorship of Christoph-Mathias Mueller, infiltrating every storey with their joyful waves, giving the signal to the raising of the anchor and the unravelling of well-oiled ropes. Raising his eyes, a mysterious costumed dreamer reveals herself, perhaps prisoner to some obscure mission, seated on the metal steps very close to the lighting racks. Awaiting a certain decisive cue for action, she unwittingly recalls an image from a film noir as well as a voice that has come in from the cold that resonates in the polyphony of solitudes.
But who will see me? I am hidden within myself.
Foreword by Zoé Balthus, translated by Sophia Burnett, in Bolshoi Undergound, Bruno Aveillan
Texts by Stéphan Lévy-Kuentz and Zoé Balthus (Ed. Au-delà du raisonnable, Coll. Les Littératures visuelles)