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dimanche 6 avril 2008

El Greco en quête de signification universelle


Vue de Tolède - 1599 - El Greco
Domenikos Theotokopoulos, dit El Greco (1541-1614), ce maître espagnol d'origine crétoise qui travailla un temps aux côtés de Titien, est né à Candie, en Crète, protectorat de la république de Venise. Il y fut formé à la peinture d'icônes, une peinture vénéto-byzantine à l'esthétique épurée et mystique.

Vers 1566, El Greco s'installe à Venise, où il collabore à l'atelier de Titien jusqu'en 1570. De ce qu'il a vécu auparavant, mystère.

Son travail subit une profonde évolution lors de son séjour à Rome, de 1570 à 1576, pendant lequel il côtoie les maniéristes.

L'oeuvre la plus caractéristique de cette période reste le Christ chassant les marchands du Temple, une huile sur bois exécutée vers 1570-1571, dans laquelle on reconnaît l'influence de Michel-Ange et Raphaël.

Exploitant à nouveau ce thème de la purification du temple, au milieu des années 1570, dans une huile sur toile, il y impose la présence de Titien, Michel-Ange, Giulio Clovio et Raphaël, témoins de la scène et installés dans le coin droit au bas du tableau.

Il travaillera ce thème à deux autres reprises, aux environs de 1600, puis après 1610. Les vieux maîtres italiens ont alors disparu, la composition simplifiée se dépouille des règles de perspective et de proportion.

El Greco cherchait à transmettre l'essentiel ou la signification universelle du sujet à travers un processus de raffinement et de réduction, il osait ouvrir la voie d'une peinture modernisée, il avait l'audace de s'autoriser la liberté.  

A Tolède, il y est parvenu en abandonnant l'emphase de la Renaissance grâce à l'observation et la sélection de phénomènes naturels.

Après un bref séjour à Madrid, El Greco s'y était installé au printemps de l'année 1577 et commença rapidement à travailler sur ses premières commandes espagnoles.

Le Christ dépouillé de sa tunique, El Espolio, (1577-1579) est une autre version de l'oeuvre qu'il avait réalisée pour la sacristie de la cathédrale de Tolède, objet d'une dispute avec ses commanditaires, qui arguaient que certains personnages de la foule dominaient le Christ de la tête. Cette réplique a appartenu quelques temps à Delacroix. 

Fray Hortensio Felix de Paravino - Vers 1609 - El Greco

El Greco, peintre lettré, s'était lié d'amitié avec le poète Fray Hortensio Felix de Paravino, dont il peignit le portrait vers 1609. Le poète lui dédia un sonnet dans lequel il lui dit préférer sans doute son corps peint par le maître au modèle.

Il peignit également une Vue de Tolède (1597-1599), surplombée de nuages sombres et menaçants évoquant une scène apocalyptique.

L'artiste a conduit son oeuvre vers une plus grande simplification, une libération qui a inspiré les efforts des peintres modernes en vue de transformer la peinture du XXème siècle. 

L'ouverture du cinquième sceau de l'Apocalypse réalisée entre 1608 et 1614 pour l'hôpital Tavera à Tolède et l'une de ses dernières commandes, aurait inspiré en partie les Demoiselles d'Avignon de Picasso. L'Agonie au jardin, du début des années 1590, est à l'origine des Grandes Baigneuses de Cézanne, deux toiles que la National Gallery de Londres présente habituellement côte à côte dans sa galerie principale.

Dans l'oeuvre du Greco, l'espace est perçu par l'imagination plutôt que par la mesure, la lumière est incandescente, intermittente et irréelle, les couleurs sont pures, lumineuses et surnaturelles, les silhouettes sont élancées, énergiques, parfois presque dématérialisées. Tout s'illumine et se révèle.

Ce texte fut écrit en février 2004 à la suite d'une visite de la rétrospective que la National Gallery de Londres a consacré au Greco et publié par plusieurs titres de la presse internationale.