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jeudi 11 octobre 2012

Aveillan, Bolshoi Underground

Quatre (2010) © Bruno Aveillan 


Le théâtre du Bolchoï, gardien de l’âme de merveilleux fantômes, est une institution qui se prête à tous les rêves et tous les fantasmes. Tout le monde connaît, même de façon très floue, sa réputation. Les plus férus en connaissent l’histoire, les histoires de la grande Histoire qui s’y sont déroulées, les enjeux et les péripéties dont il a été l’objet. Les aficionados y ont assisté à d’inoubliables moments d’art lyrique dont il est un des grands temples. Le Ballet du Bolchoï pour qui aime la danse en est une de ses plus illustres émanations. De son nom toutes les Muses surgissent et les étoiles qui enluminent nos ciels intérieurs s’éclairent, une à une, nombreuses. Tant d'immenses créateurs, entre ses murs, ont ébloui le monde. Pourtant, il demeure un lieu secret. En vérité, personne ne connaît jamais vraiment ce phénix qu'est le Bolchoï.

A l’heure des photographies de Bruno Aveillan, en mars 2010, Die Fledermaus, opérette de Johann Strauss, habite tous les artistes et personnels du Bolchoï en cours de rénovation. Cette oeuvre du compositeur viennois entrait à son répertoire pour la première fois de son histoire. A deux jours de la soirée de création, La Chauve-Souris les hante telle qu’elle se doit. Soit absolument. Chacun a l’extrême conscience d’être un maillon d’une chaîne complexe, précieuse dont la fragilité ne souffre l’imperfection. L’effervescence est croissante, tous sont liés les uns aux autres, pourtant chaque être s’est retiré en soi-même, le rôle prend possession de toute la place qui lui est due. 

Cet effort surhumain se déploie, imperceptible, invisible au profane. L’énergie intérieure se diffuse pourtant de maillon en maillon, du fond de toutes les âmes en présence, résonnent des cordes, de musiques en écho et de chants, tout autour et sur la scène, dans les étages, les couloirs, les coursives, les loges à maquillage, les salles de danse. La métamorphose prend corps. Invité, privilégié, aux répétitions, Bruno Aveillan en a extrait une substantifique moelle. 

Bolchoï Underground

- L'Exposition Bolshoi Underground - Bruno Aveillan
Galerie spree 11, rue La Vieuville 75018 Paris - Du 15 octobre au 3 décembre 2012 

- Le Livre  Bolshoi Undergound, Bruno Aveillan
Textes de Stéphan Lévy-Kuentz et Zoé Balthus (Ed. Au-delà du raisonnable, Coll. Les Littératures visuelles)
Sortie en librairie le 5 novembre 2012

L'Incante (2010) © Bruno Aveillan


The Bolshoi Theatre, guardian of the souls of marvelous ghosts, is an institution that lends itself to many dreams and fantasies. Everyone knows of its reputation, even very approximately. The more zealous know its history, the stories within The Story that took place there, the issues and incidents it was the object of. The aficionados bore witness to unforgettable moments of theatrical art, of which the Bolshoi is one of the great temples. The Bolshoi Ballet for those who love dance, is one of the institution’s most illustrious emanations. Muses spring forth from its very name, and the profusion of stars that illuminate our inner skies light up, one by one. So many great creators have dazzled the world from within its walls. Even so, it remains a secret place. The truth is no one really ever knows the phoenix that is the Bolshoi. 

At the time of Bruno Aveillan's photographs, in March 2010, Die Fledermaus, an operetta by Johann Strauss, is the preoccupation of all the artists and employees of the Bolshoi, then under renovation. This work by the Viennese composer entered the Bolshoi's repertory for the first time in its history. Two days from the historic opening night, La Chauve-Souris haunts them in the only way possible. Completely. Each one of them is extremely aware of being a link in a complex and precious chain, the fragility of which cannot suffer imperfection. The effervescence mounts, they are all linked to one another, and yet each being has withdrawn into itself, their roles take up all the space owed to them. 

This superhuman effort unfolds, imperceptible, invisible to the non-believer. And yet the inner energy is diffused from link to link, from the depths of every soul present, resonating chords, from echoing music and song, all around and on stage, in the upper floors, the corridors, the passage ways, the make-up rooms, the dance studios. The metamorphosis takes shape. A privileged guest to the rehearsals, Bruno Aveillan has extracted their very substance. 

Bolshoi Underground

translation from French in to English by Sophia Burnett

- Exhibition Bolshoi Underground, Bruno Aveillan
Galerie spree 11, rue La Vieuville 75018 Paris - From the 15th of October until the 3rd of December 2012 

- Book Bolshoi Undergound, Bruno Aveillan
Texts by Stéphan Lévy-Kuentz and Zoé Balthus (Ed. Au-delà du raisonnable, Coll. Les Littératures visuelles)
In bookshops from the 5th of November 2012

lundi 30 janvier 2012

Anelli: l'esprit du geste virtuose

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Evgenij Kissin - Franz Liszt - Sonata in si minore per pianoforte, R21 (2011) Marco Anelli


Pour qui aime, sait entendre, écoute la musique et laisse jouir ses yeux, de purs moments d’enchantement sont promesses tenues le long des pages de Gesti dell’anima, dernier opus du photographe italien Marco Anelli composé dans la lignée de Musica immaginata, un autre de ses ouvrages dédiés à la musique. Le photographe mélomane scelle ici, dans l’observation de la gestuelle des grands chefs d’orchestre et solistes de notre époque, l’union de deux passions à un exceptionnel niveau de résonance.

Chaque image, renseignée du nom de la partition qui fait naître le geste du musicien identifié, livre la part singulière et secrète d’un concert qui se prépare mais qui, depuis est même advenu puisque les vues ont été prises entre 1997 et 2011 à l’heure de séances de répétitions romaines de ces grands noms qui incarnent la musique classique de notre temps : les chefs Jonathan Nott, Valery Guergiev, Lorin Maazel, Daniel Baremboim, Antonio Pappano, Pinchas Steinberg, Arvö Part, Gustavo Dudamel, les violonistes Vadim Repin, Leonidas Kavakos, Julia Fischer, les pianistes Martha Argerich, Mitsuko Ushida et tant d'autres grands artistes. Les partitions qu'ils font renaître, elles, sont celles léguées au patrimoine de l'humanité par des Franz Schubert, Ludwig van Beethoven, Wolfgang Amadeus Mozart, Johannes Brahms, Fryderyc Chopin, Sergei Rachmaninof, Jean Sibelius, Igor Stravinsky, Sergei Prokofiev etc.

Cet œuvre photographique convie tous les sens à une certaine qualité d’abandon face à la gestuelle de l’esprit, comme une danse de l’âme, aux manifestations de grâce qu'elle fait surgir d’entre les ténèbres. Le noir et blanc de mise s’assortissent aux notes de musique, au clavier du piano, à l’habit conventionnel du chef d’orchestre, ne figent rien de ce qui ne saurait l’être, ne perdent rien des ondes musicales répercutées dans la lumière, l’ombre et le silence, invitent à suivre le ballet même des flux. Les plus mélomanes entendront la musique, les plus observateurs verront les gestes musiciens, les plus doués écouteront et contempleront tout.

Le regard de Marco Anelli fait oeuvre en parfaite harmonie avec la conception que Leonard Bernstein donnait à l'exercice de son art et qu'il propose dans son livre The Joy of Music, en répondant à la question, “comment dirige le chef d'orchestre ?”
« Avec les bras, le visage, les yeux, les doigts, et toutes les vibrations susceptibles d’émaner de lui. S’il conduit avec une baguette alors la baguette doit devenir elle-même une chose vivante, chargée d’électricité, qui fait de lui un instrument signifiant au moindre de ses mouvements. S’il ne se sert pas d’une baguette, ses mains doivent œuvrer avec la même clarté. Mais avec ou sans baguette, ses gestes doivent avant tout et toujours porter une signification en termes de musique. »
Le photographe connaît bien la musique, sait déjà par coeur bien des mains et des yeux, instruments, baguettes et clés de sol, pupitres et métronomes, il interroge plus avant l'interprétation gestuelle d’une œuvre musicale dont le compositeur pourtant sensible à la fiction sonore aurait bien eu du mal à imaginer que sa musique puisse être interprétée autrement que par un être de chair, ancrée dans le réel, de l’interprétation au moins, et puisse tenir encore le haut de l'affiche des plus grandes salles de concert du troisième millénaire.

Marco Anelli est le témoin privilégié d'une communication d'un autre temps entre des sphères d'indicibilité et dont le chef détient les codes. Il doit être doué du « pouvoir de tout transmettre à son orchestre », rappelait Bernstein en soulignant bien que, dans le cadre de la direction orchestrale, il s'agissait de ces choses « intangibles, de ces mystères qu'aucun chef ne peut apprendre et acquérir. »

Les mélodies s'infiltrent au coeur de ce qui anime l'autre, tous les autres, elles ensorcellent toutes les rondeurs du monde et traversent les plus épais remparts dressées entre les êtres. Bernstein sentait que « par la musique nous accédons au plus près des plus secrètes émotions d’un autre humain. De fait, nous en ressentons la présence. Nous en pénétrons presque la pensée. Nous pensons ensemble.»

La musique s’accorde à la pensée et ce n’est pas une illusion de poésie bien qu'elle lui réponde amplement aussi, les yeux de Marco Anelli poursuivent le mouvement, en captent les ondes, en portent l'écho. Une vie d’intensité prodigieuse se joue à chaque seconde et témoigne de la richesse qualitative et quantitative de l’énergie physique, spirituelle et émotionnelle de celui qui abrite et vit la musique, de celui qui en vit, qui en joue pour n’être plus que musique en présence. 

L'orchestra nazionale di Santa Cecilia répète dans l'auditorium de l'Académie. La pianiste Mitsuko Ushida, paupières closes, cède corps et âme à Mozart, ses traits épousent les airs du concerto qui vibre le long de toutes ses cordes de virtuose, et renaît au bout de ces doigts qui ravissent le monde. Du regard levé au ciel aussi ou de ses poings dressés haut, au-dessus du clavier, d’autres musiques résonnent en parallèle, dans l’esprit de celui qui observe et se souvient, de celui qui écoute et entend, sans jamais rompre l’harmonie du tout, de celui qui est musique. Majesté et solennité règnent sur ses transes.

Chacune des images de ce recueil porte la réelle présence de la musique et de plus élevé encore au gré des affinités électives. Le philosophe George Steiner, dans Réelles présences, soulignait « que nous le voulions ou pas, ces questions immenses et banales autant que l'impératif du questionnement, qui constitue l'identité de l'homme, font de nous les voisins immédiats du transcendant. La poésie, les arts, la musique sont les instruments par lesquels s'exprime ce voisinage ».

Pour Steiner, aucun doute, la musique signifie. Elle fournit la « substance absolue à ce que j'ai cherché à suggérer de la présence réelle, disait-il, dans le sens où cette présence ne peut pas être montrée analytiquement ou paraphrasée ».  Elle se ressent et s'éprouve, elle envoûte celui qui l'apprivoise. Elle se laisse photographier parfois.

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Arvo Pärt, Cantus in Memoriam Benjamin Britten (2010) Marco Anelli  
Le compositeur Arvo Pärt se retire en musique, en prière, comme à la tête d'une cérémonie religieuse. A l’heure de son Cantus in Memoriam Benjamin Britten, le musicien offre une paradoxale présence, toute de connivence avec le geste du chef Tönu Kaljuste et de pénétration de la mémoire du grand compositeur anglais qu’il salue au-delà. 

Le héros de Marcel Proust, Swann, avait éprouvé pour la musique « comme un amour »  qui « l’entraînait avec elle vers des perspectives inconnues ». A la recherche du temps perdu, il « trouvait en lui, dans le souvenir de […] certaines sonates qu’il s’était fait jouer pour voir s’il ne l’y découvrirait pas, la présence de ces réalités invisibles auxquelles il avait cessé de croire. »

Le souvenir de gestes et de notes tant de fois répétés, ceux et celles qui faisaient souffrir, qui ne se révélaient pas, ne donnaient aucun fruit, résistaient à tous les appels, finissaient un jour par céder une part du mystère. La musique insuffle une magie, le musicien semble avoir le pouvoir d’éveiller toutes les forces, il les convoque et les éprouve le premier. Il transporte mais il est le premier transporté, s’il ne l’était pas il ne transporterait personne. 

Le chef coordonne les transports de son orchestre tout en révélant le sien, à l’image de l'impétuosité des gestes de Pinchas Steinberg, l’esprit pourtant manifestement en retrait, à l’écoute, au fond de la musique même dont il puise l’extrême attention nécessaire à la conduite du Tristan et Iseult de Richard Wagner.

La musique du compositeur allemand avait subjugué Charles Baudelaire au point d’un extraordinaire émoi avoué dans les lignes d’une Lettre à Wagner datée du 17 février 1860. Au lendemain d’une série de concerts donnés à Paris auxquels le poète avait assisté, Baudelaire confiait au musicien s’être tout d’abord trouvé pris de vertige au bord de l'indicible : 
« J’avais commencé à écrire quelques méditations sur les morceaux de Tannhäuser et de Lohengrin que nous avons entendus; mais j'ai reconnu l'impossibilité de tout dire.»
« Il me semblait que cette musique était la mienne et je la reconnaissais comme tout homme reconnaît les choses qu'il est destiné à aimer, déclarait-il à Wagner. Pour tout autre que pour un homme d'esprit, cette phrase serait immensément ridicule, surtout écrite par quelqu'un qui, comme moi, ne sait pas la musique, et dont toute l'éducation se borne à avoir entendu (avec grand plaisir, il est vrai) quelques beaux morceaux de Weber et de Beethoven. » 


Beethoven doit surgir. Symphonies du sentiment, chargés de chuchotements et frissons d’amoureux, de vœux de volupté, de grondements guerriers, et tant d'épanchements d'âme que la musique romantique souffle toujours sur ses gammes. Le geste fait sens. Tel un prophète, le chef guide. Nulle machine n'est encore en mesure de le remplacer, mais des scientifiques cherchent avec avidité les trucs de ces sorciers. 


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Valery Gergiev - Ludwig Van Beethoven – Sinfonia n.5 in do minore, Op. 67 (2009) Marco Anelli

Dans l’emportement du corps, l’esprit doit demeurer serein, présent dans la délicate performance qu’ensemble ils accomplissent. Le violoniste Repin excelle, tout l’être de Gergiev s’envole, ses mains changées en ailes. Que le violon se brise et c’est la chute de l’ange. Le virtuose tient toujours ferme, sous son tact exigeant, les cordes lui entailleraient les doigts qu’il ne le sentirait pas.L'instrument est merveille, objet de toutes les attentions, il incarne le mouvement des sentiments, l'entraîne au plus haut vers les cimes. Tristement, la haine, la guerre et beaucoup d'ignorance piétinent les violons. 

Gesti dell'anima, Marco Anelli, postface de Giovanna Calvenzi (Ed. Peliti Associati)





                                                         Valery Gergiev - Vadim Repin - Ludwig van Beethoven ''Violin Concerto in D-dur, op. 61''

vendredi 8 octobre 2010

Aveillan, Poésie de lumière, éclat de mémoire

Le Talisman # 1 (2010) Bruno Aveillan

Toute atteinte du regard est inscription dans la mémoire, où les choses et les êtres, dans l’infinité de leurs facettes, noyées en paradoxes inextricables, n’en finissent plus d’apparaître et de disparaître, de s’imposer et de se dérober. Plus ou moins lointaines à notre escient, leurs empreintes marquent à la fois la survivance et l’effacement des signes, témoignent à chaque instant, chaque seconde, d’une réalité en fugue, de l’extrême profusion de son rêve.

L’œuvre photographique de Bruno Aveillan procède de la révélation de cette éternelle énigme, matière mouvante de l’absence en présence, charrie l’éclat de mémoire suprême et ténébreuse, à la faveur d’une constante poésie de lumière et d’un flirt harmonieux entre espérance et mélancolie.

Chacune de ses images est un voyage de l’oubli et du souvenir, un retour à la naissance de l’instant, un retrait dans l’étrangeté du lieu, une percée au fond de la matière. L’artiste ne saurait jamais voir que la seule apparence de la réalité, il approche ce qu’elle dissimule de significations et de beauté, visite sa nature variable, conte ses incidences. La réalité ne se livre que sous un voile éphémère qu’il prolonge volontiers de flous, savants, exigeants, parsemés d’indices. Sa quête s’étend au-delà des événements, du temps et de l’espace. C’est le point même de leur fusion qu’il aspire à franchir, et leur vérité abstraite qu’il parvient à saisir, comme personne avec tel raffinement.

L’acuité, la délicatesse et l’élégance du regard marquent la totalité de son œuvre. Elles se perçoivent dans la distance qu’il instaure avec l’objet de son attention jusqu’au désir peut-être de s’effacer lui-même afin d’accueillir pleinement la sincérité du mystère.

Il donne à voir l’aura resplendissante de la naissance ornant le fragile bouton de rose, fleur éphémère de l’enfance en éclosion qui, sur sa tige comme une paille, puise la sève de l’origine et déploie sa rayonnante espérance cerclée d’une ombre de temps imprévisible. 

L’unité fondamentale des éléments s’affirme sous son regard en mesure d’affranchir toutes les frontières et d’empiéter sur les territoires de l’abstraction. Il traverse tous les états de lumière, use de la puissance des rayons pour abolir les confins et fondre, dans l’éblouissement alchimique des ombres, la chair en air, l’air en matière, la matière en mer, la mer en ciel, le ciel en terre, la terre en chair.

Son art résonne à la fois d’une intime mélodie, familière et unique à chacun, et de la grande mémoire universelle qu’il honore. L’œil du photographe, pareil à un miroir sans tain, penché sur le destin, livre l’intuition d’une provenance, sous-tend le long pas futur. Au rayon clair irradiant le rideau, il fusionne l’enfant au flanc d’une jeune mère, dans l’air seulement troublé du vertige de la petite main tendue en pur ruissellement de bonheur. Dans le parfum des temps de voyage, autour d’une chambre d‘hôtel qui ne dit son nom, ni son lieu, ni son âge, la silhouette de l’entité humaine se fond dans la pénombre du lieu tout entier qui devient cette « zone de vivant, de convergence et de rayonnement » chère à Georges Didi-Huberman, et qui figure « le rattachement suprême aux grandes forces qui les créent, les empruntent, et les relient ».
[...]
Zoé Balthus – Paris, août 2010

Extrait de la préface de Mnemo # Lux, Bruno Aveillan (Ed. Kerber)

Griffes  (2010)  Bruno Aveillan

Poetry of Light, Gleam of Memory

Every occurrence captured by our vision is inscribed in memory, where things and beings, with their infi nite facets, teeming with inextricable paradoxes, constantly rise up and wane, hold sway and slip away. More or less remote within our conscience, their imprints reveal both the survival and vanishing of signs and bear witness, every moment, every second, to an evasive reality and the extreme profusion of its reverie.

The photographic work of Bruno Aveillan proceeds from the revelation of this eternal enigma, the shifting matter of absence felt as presence. It bears the gleam of supreme, tenebrous memory through a perpetual poem of light and a harmonious flirt between hope and gloom.

Each of his images is a voyage into lapses and remembrance, a return to the birth of the moment, a withdrawal into the strangeness of the place, an inroad into the depths of matter. The artist never sees the straightforward forms of reality. He touches on the meanings and beauty it masks, explores its variable nature, and speaks of incidences. Reality only appears beneath an ephemeral veil which he readily extends with skilfully crafted blurs sprinkled with clues. His quest reaches beyond events, time and space.

It is that point where they merge that he seeks to cross into, their abstract truth he succeeds in grasping, with unparalleled refinement. His entire work is impregnated with the acuity, delicacy and elegance of his vision. They are perceptible in the distance he establishes with the object of his focus, and perhaps in his attempt to himself fade away, in order to better connect with the sincerity of the mystery.

He reveals the dazzling aura of birth adorning the fragile rosebud, the fleeting blossom of blooming childhood  which, on its strawlike stem, draws on the sap of origins and deploys its radiant hope, encircled by a shadow of unpredictable time.

His vision brings out the fundamental unity of the elements, breaks down all compartments and infringes on the realms of abstraction. He travels through every state of light, using the power of its rays to abolish borders and, in the magical dazzle of shadow, blend fl esh into air, air into matter, matter into sea, sea into sky, sky into earth, and earth into flesh.

His art resonates with both an intimate melody, familiar and unique to each, and the great universal memory to which it pays homage. Like a one-way mirror, the photographer’s eye peers into destiny, off ering the intuition of a beginning and a hint of the long, coming stride. He merges a bright ray emblazing a curtain with a child alongside a young mother and, the air faintly stirred by the giddiness of a small hand outstretched in a stream of pure joy. Shrouded in a fragrance of travel, around a nameless, placeless, ageless hotel room, the silhouette of a human entity blends into the half-light of the entire space which becomes that “zone of the existent, convergence and radiance” so dear to Georges Didi-Huberman, and which evokes “the supreme union with the great forces that create them, run through them and connect them.”
[...]

Zoé Balthus - Paris, August 2010  - English translation by Joshua Karson
Excerpt from the foreword to Mnemo # Lux, Bruno Aveillan (Ed. Kerber)