Ratcliffe Power Station, Study 31 - Nottinghamshire, England, 1987 |
Michael Kenna, photographe anglais de la lignée d'un Eugène Atget ou d'un Bill Brandt, est l’auteur d’une œuvre vouée à l’épure en miniatures, d’images d’un univers sans visages, qu’il cultive avec constance et élégance, en noir et blanc, telle une offrande à l'éventuelle postérité de l'Homme.
Car son univers semble celui d’une terre désertée, comme abandonnée des hommes, comme s’il en était le tout dernier représentant, muni d’un engin photographique, en quête de témoignages de leur présence passée, figeant dans l’argentique leurs empreintes et vestiges, des plus prodigieux aux plus odieux. Du château de Versailles, en passant par les jardins de l’Ermitage, à Saint-Petersbourg, des montagnes chinoises du Huangshan aux métalliques usines nord-américaines.
C’est un regard profondément mélancolique, à géométrie variable, qu’il pose sur les rivages et paysages où le conduisent ses multiples voyages à travers la planète, en solitude.
Il rapporte des lumières torturées, captées dans le tourment d’orages, menaçant des plages du Japon, de Corée ou de Norvège. Il accuse d’inhumaines centrales électriques aux infâmes cheminées comme autant de cous de colosses décapités, crachant leurs fumées viciées au-dessus d’un champ de blé anglais. Les eaux des fleuves, des rivières, des mers et des lacs ne connaissent nul ressac, nul remous, pas même ne tremblent ou ne frissonnent, elles s’étendent tel le vif-argent du mercure sous des brumes stagnantes, entre rêve et épouvante.
Study 3 – Glastonbury, Somerset, England |
Michael Kenna lit à merveille les lignes du destin de l’Homme, en saisit l’essentiel. La vie au-delà de lui. L'épure parfaite.