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mercredi 1 mai 2019

Sumô, l'art du temps métaphysique

Un rikishi au tournoi de sumô de Fukuoka, au Japon – novembre 2018 (c) Zoé Balthus
Le palais des Sports de Fukuoka, cité portuaire sur l’île de Kyûshû à l’ouest du Japon, accueille le dernier basho1 de l’année, saison officielle de sumô d’une durée de quinze jours, chaque mois de novembre. Je suis assise dans les gradins, côté est, depuis 8h00 en ce 11 novembre 2018.


Le public, clairsemé aux premières heures de cette première journée de tournoi, s’est étoffé avec lenteur tandis que les lutteurs de sumô des catégories infé- rieures menaient leur combat dans l’espoir de se hisser dans la hiérarchie jusqu’à voir leurs noms apparaître un jour au classe- ment général, le prestigieux banzuke. Y sont actuellement classés, du rang le plus bas au plus élevé, vingt-huit champions juniors, jûryô, suivis des maku-uchi compre- nant trente-deux maegashira (champions), deux komusubi (grands champions aspi- rants), deux sekiwake (grands champions adjoints), trois ozeki (grands champions) et trois yokozuna (champions suprêmes) qui ne disputent qu’un combat par jour. Les ozeki ne luttent qu’en fin de journée avant les yokozuna qui finissent vers 18h00.
Cinq jeunes femmes portant chignon et kimono de soie bigarrée, perchées sur leurs geta, socques traditionnels, avancent les unes derrière les autres, à petits pas, dans la coursive sud avant de s’installer avec grâce dans des box de catégorie supérieure. Juste à temps. La clameur s’intensifie dans la salle désormais comble avant dohyô-iri, cérémonie d’entrée des lutteurs (rikishi). Il est 16h00, les lutteurs demi-nus, aux corps à la fois musclés et gras, apparaissent. Ils sont près d’une vingtaine de colosses, aux visages impassibles, à entrer par l’allée sud-est dans l’immense salle, emmenés par un arbitre à l’allure de prêtre shinto vêtu d’un shozoku — sorte de kimono de soie — rouge chatoyant, aux motifs dorés, et coiffé d’un couvre-chef noir en toile laquée. L’atmosphère s’électrise, des flashs crépitent, des cris d’admiration fusent sur le passage du cortège hiératique. Mouvant leur masse à la nonchalance pachydermique, ils avancent en file indienne en direction du mori-dohyô, plateforme d’argile haute de 60 cm.  [...] 

Extrait de Sumô, l'art du temps métaphysique, récit de Zoé Balthus à paraître le 15 mai 2019 dans le numéro de printemps de la revue La moitié du fourbi dont le mot d'ordre est : Vite.

                                       Last basho for Japanese Yokozuna Kisenosato at Fukuoka - Japan 2018 © Zoé Balthus


Au sommaire de ce numéro : 

Tristan Tzara (texte)Thaddée (collage) / Un passant  Paul Fournel / L’œil de l’Oulipo : La littérature a-t-elle horreur du vite ?  Lucie Taïeb / Comète  Hugues Robert / Esthétique politique du défouraillement  Philippe de Jonckheere / La cordelette (un épisode cévenol)  Guillaume Duprat (dessins & texte) / Inflation éternelle  Anthony Poiraudeau / Courses et poursuites dans Los Angeles  Zoé Balthus / Sumô, l’art du temps métaphysique  Frédéric Fiolof / Raccourcis  Marjorie Ricord / À l’immédiat, la déraison  Marc-Antoine Mathieu(dessins)Antoine Gautier (présentation) / Trois secondes (extraits)  La m/f / 7,7 millions de millisecondes, conversation avec Alexandre Laumonier  Valérie Cibot / Yoga du temps Véronique Bergen / Martha Argerich. L’Art des passages Matthieu Raffard & Mathilde Roussel (photographies et texte) / Accélération  Marie Willaime / Baies rouges — Breuverie  Hugues Leroy / Trottoir  Hélène Gaudy / En cours  Antoine Mouton / À très vite 

jeudi 4 octobre 2018

Seppuku ou le climax de Mishima


Le numéro 8 de "La moitié du fourbi", revue à paraître le 16 octobre, étant dédié aux "Instants biographiques", j'ai choisi de raconter l'ultime et tragique journée de l'écrivain japonais Mishima Yukio, le 25 novembre 1970. Cette reconstitution, écrite à la lumière de son oeuvre, mais aussi d'entretiens et de témoignages extraient d'archives audiovisuelles, s'intitule Seppuku ou le climax de Mishima. Mon texte a fait l'objet d'une mise en scène sonore dans le jukebox littéraire de l'émission Nova Book Box sur Radio Nova

Au sommaire de ce N°8 : 
Pablo Martín Sánchez / L’œil de l’Oulipo : Je me souviens de Julio Cortázar
Christian Garcin / Fos- New York, CMA-CGM Puget 
Eloïse Lièvre / La vie écrite 
Pauline Aubry / L’autre bout du monde 
Nicolas Rozier / Artaud à l’Orangerie
Hugues Leroy / J’y vais pas 
Anne Maurel / La fille du bois 
Thomas Giraud / À la recherche de Bas Jan Ader 
Frédéric Fiolof / Débordements
Perrine Rouillon (dessins & textes) / Instants amoureux 
Pierrick de Chermont / Ces grands cétacés de la littérature mondiale
Agnès Borget & Anthony Poiraudeau / Conversation avec Arno Bertina et Alban Lefranc
Zoé Balthus / Seppuku ou le climax de Mishima
Aglaé Bory (Photographies & texte) / Figure mobile - Portraits de Magdi Elzain 
Hélèna Villovitch / La plus vieille story du monde Hélène Gaudy / Accroche l’ombre (Trois images)
Julia Kerninon / La légende
Éléonore de Monchy / Biopsy


Ce numéro bleu ciel reste en précommande jusqu'au 10 octobre sur le site de la revue lamoitiedufourbi.org/. Et pour son lancement, la librairie "Le Comptoir des mots" invite "La moitié du fourbi" et ses auteurs à y accueillir les lecteurs le soir du 16 octobre, au 239 rue des Pyrénées à Paris.

dimanche 18 mars 2018

Conversation avec Pascal Quignard




Cet extrait du Nom sur le bout de la langue1 en est la clé. Que représente ce livre au sein de votre œuvre ? 

Pascal Quignard : Il représente beaucoup plus à présent que ma mère est morte parce que cette scène, qui me l’a fait écrire, a pris une autre dimension depuis que je l’ai écrit. Elle se passe dans cet immeuble d’Auguste Perret, dans cette ville en ruines qu’était Le Havre, où j’ai grandi. Ses bâtiments — aujourd’hui au patrimoinede l’humanité — étaient une horreur d’architecture fasciste, mussolinienne. J’aime tous les arts, il n’y en a qu’un complètement absent dans tout ce que je fais, c’est l’architecture. Pour moi, ça n’existe pas, l’architecture, c’est du toc, je suis dans des ruines. Vivre dans une ville qui ne se reconstruisait pas a compté pour moi. Ma mère était là. Je suis le cadet de quatre enfants [...]

1. Pascal Quignard, Le Nom sur le bout de la langue, P.O.L., 1993.
La totalité de la conversation est à lire dans le N°7 de La Moitié du Fourbi qui porte sur Le bout de la langue, à paraître le 1er avril.

Au sommaire 


Clémentine Mélois / L’œil de l’Oulipo : Voyages divers  Pierre Senges / Estoc  Anthony Poiraudeau / Pour en finir avec les trous de mémoire  Camille Loivier / Traduire, en position de coquillage  Laure Limongi / Le grain de la langue  Léo Henry / Lingua ignota, conlanging & fantasy  Tristan Felix (texte, dessins, photographie) / Baiser la langue  Xavier Person / Who will perceive, when life is new?  Nolwenn Euzen / Cogner dans les angles morts  Hugues Leroy / Tweets à un jeune poète  Belinda Cannone / Écrivain public  Zoé Balthus / Conversation avec Pascal Quignard (dessin de Paul de PignolAdam David / 10 silences  Anne Maurel / Au bout de la langue, l’image  Frédéric Fiolof / Expirations  Anne-Françoise Kavauvea / Perec, langue au chat  Fidelia Rubio Muto / Le coup de l’alphabet  Laure Samama (texte et photographies) / Mille-Mains  Ryoko Sekiguchi & Déborah Pierret Watanabe (traduction) / Le bonze et la langue — Le moine Kyôkai (fin VIIIe/début IXe siècleSabine Huynh / Une grotte sombre au bout du monde. 


dimanche 30 avril 2017

Conversation avec Ryoko Sekiguchi


Ryoko Sekiguchi (c) DR


Dans la première traduction française de l’essai de Tanizaki Jun'ichirô, intitulée Éloge de lOmbre, signée René Sieffert en 1977, les lecteurs francophones ont le sentiment d’accéder enfin à cette culture traditionnelle du Japon, où l’ombre constitue le plus grand raffinement de l’art de vivre mais aussi son séduisant mystère. Ryoko Sekiguchi, écrivain, poétesse, en donne une nouvelle traduction qui restitue la grande subtilité critique qui caractérise Tanizaki. Tout au long de sa méditation esthétique, menée sur le ton candide d’un nostalgique éclairé, ne s’inscrivait pas moins, en ombre chinoise, une critique sévère de la société japonaise par trop encline, à son goût, à céder aux sirènes de la modernité de l’Occident. Il ne manquait d’ailleurs pas de l’écharper au passage.
La moitié du fourbiQui a initié cette idée de nouvelle traduction du texte de Tanizaki ?

Ryoko Sekiguchi – L’idée est venue de moi. Il faut d’abord dire qu’à partir de cette année, les droits des œuvres de Tanizaki sont libres. Mais surtout, c’est vraiment mon auteur préféré. D’abord parce que c’est celui qui a le plus joué avec tous les genres romanesques. Bruine de neige est un roman de près de mille pages dans lequel il ne se passe absolument rien. Et pourtant, le livre fut interdit pendant la guerre. Non pas en raison d’une critique formulée contre la guerre mais bien parce qu’il ne se passait rien dans son roman… Car le temps de la paix, c’est cela : le temps où il ne se passe rien. 
[...] 

Egalement au sommaire


Pierrick de Chermont, Sylvie-E. Saliceti, Sylve Fabre G., Angèle Paoli, Anne-Lise Blanchard, Nolwenn Euzen, Thomas Vinau / Avec Guillevic  Mélikah Abdelmoumen / La deuxième marche  Anthony Poiraudeau / Un sang d’encre Romain Verger Revenir à Chauvet  Hélène Gaudy / Chambres noires  Sabine Huynh (texte), Maud Thiria Vinçon (dessin) / La main, le soleil et la mort  Zoé Balthus / A l’ombre de Tanizaki : conversation avec Ryoko Sekiguchi  Vincent Bontems / Les boîtes noires (sur l’écriture des Idées noires de la PhysiqueCaroline Boidé / Lettre à Grisélidis Réal  Adrien Absolu / Circulez, y a rien à voir  Frédéric Fiolof / Une question noire  Hugues Leroy / Noctem virumque cano  Nolwenn Brod (photographies) / Urphänomen  Ian Monk / L’œil de l’Oulipo : La nuit traversée  Stéphane Vanderhaeghe / Écrire dans le noir  Véronique Béland / On finit par un monde  Charles Robinson / 351  


Soirée "Louange de l'ombre" le 4 mai à 19h30 à la librairie Charybde avec Ryoko Sekiguchi et Patrick Honnoré, animée par Zoé Balthus

dimanche 19 mars 2017

Divino Inferno [Et Rodin créa la Porte de l'Enfer]

                                                  Divino Inferno [Et Rodin créa la Porte de l'Enfer] un film de Bruno Aveillan et Zoé Balthus

« Il fit porter à des centaines et des centaines de figures à peine plus grandes que ses mains, la vie de toutes les passions, la floraison de tous les plaisirs et le poids de tous les vices » – Rainer Maria Rilke, in Auguste Rodin, Œuvres I Prose (Ed. Seuil)


Seul contre tous, le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) a su imposer, son droit absolu de créer comme il l’entendait, en inventant des techniques, en brisant des tabous, en restant résolument attentif à ce que lui soufflait sa nature, à ce que lui inspirait la Nature. 


Toute sa vie, il a eu à lutter contre son époque. Il s’est construit sur ses échecs, il a bâti une œuvre extraordinaire malgré les entraves et les scandales. Il n’a jamais renoncé à ce qu’il était, ni renié ce qu’il admirait, et a inscrit sa vision d'avant-garde dans l'Histoire de l'Art.

Epris de vérité, de sensualité, de chair et de mouvement, il est un modèle d’affranchissement. A 64 ans, le sculpteur pouvait affirmer : 
« Je suis le plus heureux des hommes parce que je suis libre [...] ma plus grande joie est de me sentir libre intérieurement, c’est-à-dire émancipé de tout mensonge artistique ».
La carrière de Rodin a connu de multiples obstacles avant de s'épanouir enfin. A presque 37 ans, il n'est encore qu'un ouvrier-artisan et redoute d'être condamné à le rester jusqu'à la fin de ses jours. Il place tous ses espoirs dans le Concours du Salon des Artistes français en 1877 où il présente un nu masculin L’Âge d’airain, une œuvre à laquelle il a consacré toute son énergie et son talent pendant plus de deux ans. 

Là, contre toute attente, cet inconnu sorti de nulle part et son pur chef-d’œuvre s’attirent les foudres de l'Académie, bousculée dans ses fondements.

Accusé de tricherie, Rodin outragé se défend avec force. Le scandale éclate. Après une enquête aussi longue qu’inutile, il est finalement blanchi. L’affaire a eu l’avantage de répandre son nom dans les ateliers, parmi la jeune génération d’artistes jusqu'aux plus hautes sphères de l'Etat. 

Le Penseur - Auguste Rodin (c) Zoé Balthus

Bientôt, les institutions lui offrent une première commande publique en réparation de l’humiliation subie : une porte destinée au futur Musée des Arts décoratifs de Paris. Rodin devient aussitôt un artiste en vue et très vite un grand maître d’atelier. 

L’épreuve de l’Âge d’airain n'a fait que renforcer sa détermination à se dépasser. La création d’un monumental chef-d’œuvre est une nécessité, c'est une affaire d'honneur et de revanche.

Inspiré par l’œuvre de Michel-Ange, – le maître auquel il ose désormais se mesurer –, mais aussi par la statuaire gréco-romaine, La Porte du Paradis du baptistère de Florence, La Divine comédie de Dante et Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, le sculpteur passe plus de vingt ans à ériger la plus importante sculpture du XIXe siècle :  La Porte de l’Enfer. 

A la fois, journal intime, laboratoire de toutes ses audaces et réservoir de l'essentiel de ses chefs-d’œuvre, dont Le Baiser et Le Penseur, toutes ses inspirations et ses techniques s’y expriment.

Rien depuis Michel-Ange n’avait atteint une telle magnificence. La Porte de l'Enfer– conservée à l’abri des regards pendant les deux décennies qui ont suivi sa commande – est l'énigmatique matrice de toute l'œuvre du sculpteur.  

Divino Inferno, [Et Rodin créa La Porte de l’Enfer], diffusé sur Arte en avril 2017a remporté le Rockie Award 2018, catégorie Art, du festival de Banff et nommé à Art Fifa au musée national du Québec, au Canada. Le film a été projeté au Grand Palais, Paris dans le cadre de l'exposition du Centenaire Rodin, au Musée d'art contemporain Marcel Lenoir, Montricoux,  ainsi qu'au Gorki Park, à Moscou, en Russieà la Fondation Mapfre à Barcelone, en Espagne, à la Fondation Barnes à Philadelphie, au Cantor Arst Center de Standford, à LMU de Los Angeles aux Etats-Unis, au Musée national de l'Art occidental de Tokyo (conférence de Zoé Balthus) et au Musée de Shizuoka (conférence de Zoé Balthus) au Japon et à l'Art Gallery of South Australia d'Adélaïde, 

Un film de Bruno Aveillan,  écrit par Zoé Balthus et Bruno Aveillan (2016) – Notre reconnaissance au plasticien Mircea Cantor qui a réalisé pour le film une performance inédite dans l'enceinte du musée Rodin
Avec les voix de Denis Lavant et Elsa Lepoivre (Sociétaire de la Comédie française)

Produit par ARTE, La Réunion des Musées Nationaux, Les Bons Clients, QUAD,  Fix Studio, NOIR

samedi 14 janvier 2017

Un zeste de "Parade Jeunesse d'Eternité"

Guillaume en mars 1916 – Tête du premier chapitre de Parade Jeunesse d'Eternité  – Dessin Hélène Damville

Extrait du premier chapitre de Parade Jeunesse d'Eternité, roman, Zoé Balthus, paru le 11 janvier 2017, chez Gwen Catala Editeur


dimanche 4 septembre 2016

Emmanuel Tugny & Zoé Balthus : "D'après les livres"

Monotype (c) Paul de Pignol – Couverture d' Après les livres à paraître chez Gwen Catala

« Dimanche 17 juillet 2016


Zoé – Je poursuis sur cette lancée que m’a soufflée Marguerite pour aborder la question du style. Tu te moques de moi, parfois… souvent, en me prêtant des accents durassiens. Flatterie pour fille, dit-elle (sourire). 

Duras riait de l’effet que produisait ce qu’elle appelait l’audace de son style que l’on reconnaît entre tous – et dont elle jubilait a posteriori avec fierté comme une révolutionnaire après avoir jeté des pavés à la tête de sombres flics  – jusque dans la structure de ses phrases qu’elle tordait et ses répétitions… à répétition, cette forme de détachement du monde et la manière dont elle livrait au monde le monde lui-même tel qu’elle le toisait, avec une douloureuse compassion mêlée de dégoût, un monde qui était toujours sien mais dont elle voulait se venger.

Je considère que ton style est un frère révolutionnaire, audacieux, entre mille reconnaissable, qui déstabilise tout en ouvrant d’autres perspectives, mais ton style est beaucoup moins terrien que le sien, je veux dire que le tien est sidéral.

Je songe aux noms désarçonnants et néanmoins superbes des personnages – et des contrées
de tes romans, de l’espace et du temps neufs qui semblent taillés dans la flottaison des songes et qui ajoutent à la confusion, parfois comme si tu cherchais à tous les semer en route, et les perdre, perdre le fil même du récit, distrait par un tout autre fil dont tu te saisis pour le raccorder ou non, en t’appuyant pour ce faire, aussi sur le style mais pas seulement. Bien sûr, il y a la qualité et la richesse du récit qui participent de ton style, et à la différence de Duras qui, malgré elle restait ancrée dans la réalité, toi tu parviens à rompre les amarres d’ici-bas… Dans ton style, il n’y a pas de vengeance, nulle haine réelle que l’on sentirait monter des tripes, même lorsque cela cogne, cela saigne et même quand cela tue, c’est hors de toi.

Qu’est-ce que toi tu appelles style, comment définirais ton style, si tu le peux…

Sans style, peut-il y avoir livre , selon toi ? Elle, maintenait que non.

Emmanuel Tugny à Saint-Malo –  2016 (c) Zoé Balthus

Tugny – Ce que tu écris fait un sacré écho en moi au moment où, parce qu’ils reparaissent, je relis beaucoup de mes livres.

Par exemple, Le Souverain Bien, dont les chapitres d’ouverture sont à mi-chemin entre réalisme – un peu à la Russe – et fantastique, ou La Vie scolaire.

Me relisant, je me rends compte que ce qu’on appelle généralement le réalisme est vraiment très peu mon affaire. L’écriture s’y ennuie, on la sent fébrile, engagée dans autre chose, pas à son aise, comme ravie hors d’elle-même par une dimension sinon plus haute du moins distincte et plus aérée, moins entravée par des formes qui en précéderaient la naissance. Je dis souvent pour faire l’intéressant que la littérature fondée en réel est une littérature anaphorique. Elle est là pour rappeler, pour faire revenir, pour revenir. Je sens, lorsque je me relis, que la littérature que je travaille à mettre en chemin est en état de panique face à l’accumulation des formes antérieures à la sienne, qu’elle halète entre syndrome de claustration et sensation qu’un ordre ou qu’un règne s’impatiente, où la respiration de ce qu’elle entend être comme forme l’attend impatiemment.

J’ai vraiment cette sensation-là que la construction d’un livre à partir de ce qui le précède au monde, que ce qui le précède au monde me ressortisse, ressortisse à l’auctorial comme monde ou ressortisse au monde, à ce qui n’est pas celui qui écrit, n’est pas pour mon livre. Au reste, les oeuvres qui se fondent sur l’observation des choses ou sur l’observation de celui qui les observe, l’auto-fiction faisant comble, me tombent en général des mains.

Lorsque tel n’est pas le cas, c’est qu’une majesté particulière du monde ou de soi en faufile l’écriture, qu’une vérité d’ordre anagogique me semble atteinte, s’agissant du phénomène ou de ce qui s’y rapporte du moi écrivain. Je dirais des livres qui disent quelque chose du monde ou du moi qu’ils ne me plaisent que quand, par une sorte d’intensité supérieure de l’engagement dans l’écriture, entre munificence du champ observé et itération du motif jusqu’au dégagement de sa dimension d’éternité, ils exsudent de l’être de soi ou des choses. D’Aubigné, Retz, Scarron, Crébillon, Balzac, Dostoïevski, Tolstoï, Faulkner, Hugo, Proust, Maupassant, Hyvernaud, Grossman, Céline, Pirandello, d’autres… Duras…

Il y a dans les livres de ces écrivains que j’aime « tant de réel », tant de générosité dans l’abord des choses, tant de choses et dans cet abord tant d’opiniâtreté (analyse, itération) que quelque chose d’un « absolument le monde /le monde absolument » s’y fait voie à la lecture. Je ne dirais pas tout à fait que ces auteurs disent le monde ou se disent, je dirais qu’ils élèvent le monde et le sujet observant vers une anagogie de soi, une strate où le monde et soi sont soi, c’est-à-dire de l’ordre de l’être, de cet ordre dont la principale caractéristique est à mes yeux qu’il est cela où les formes (qu’elles soient du monde ou de soi n’y change rien) rencontrent leur solution dans l’être, leur mêmeté dans l’être, c’est-à-dire une forme progressive de dissolution dans l’unité irénique.

Etat civil de Balzac, moi proustien : il suffit que tout cela rencontre cet ordre anagogique par le travail non pas tant du style -j’y reviendrai- que de la matière du livre tout entier, qui l’excède amplement, pour qu’une paix gagne l’écriture, fût-ce dans ses méandres et ses spasmes. Ce qui est sourdement le même en tout, que je nomme l’être et que je pourrais fort bien nommer l’infinité (pensant à Lévinas), l’absolu, l’éternité d’une vérité, gagne à ce point le capharnaüm réaliste chez certains réalistes qu’une forme de simplification paisible s’opère, dans quoi je reconnais un espace, une atmosphère, un recours possible pour cette forme singulière de la phénoménologie qu’est la lecture.

Il me faut beaucoup d’air dans une œuvre.

Beaucoup d’atmosphère.

Beaucoup de souffle, souterrain ou pas, de mêmeté, de beauté moniste.

Le tour de force de beaucoup de mes auteurs de chevet est de parvenir à ce qu’un désordre des objets circonscrits expire la matière en quoi ils se dissolvent et qui est l’unité du monde en l’être.

Quand cet apaisement des formes dans l’anagogie, qui est affaire de travail, qui est affaire ouvrière, ne m’apparaît pas, quand je ne vois qu’accumulation des formes du monde et de formes de soi, quand je vois cela dans le livre de l’un, de l’autre ou dans les miens, quelque chose se met en branle qui organise mon évasion.

Je referme le livre de l’autre et pour ce qui regarde mon livre, je lui indique qu’il est temps d’aller voir ailleurs si j’y suis.

Au fond, Le Souverain Bien, par exemple, ou Après la Terre, ne parlent que de ça, à la revoyure… je vois bien qu’ils désignent un chemin par où le récit peut et doit prendre le large. Ces deux romans-là, par exemple, contrairement à Mademoiselle de Biche ou au Silure, ne dérivent pas d’une résolution, ils n’ont pas réglé la question de leur champ d’intervention avant que de naître comme forme. Ils vivent un peu où le fatras des choses aliène leur parole à un désordre stupéfiant et puis, en effet, comme tu le dis, ils prennent leur envol vers une dimension autre. Ni supérieure ni inférieure ni parallèle : autre. J’aime bien que tu utilises cette idée du « sidéral » parce qu’en effet, je dis dans le livre que j’ai écrit dessus qu’elle est cette dimension où, par repli de l’être sur soi, par écrasement des solitudes, l’être se rencontre dans l’être…cette dimension sidérale, c’est celle que veulent atteindre mes livres, oui.

Il y a un peu de platonisme, beaucoup de romantisme (à l’allemande ?) là-dedans : le règne rationnel, le règne analytique, le règne des formes discriminées me semble d’une étroitesse insigne, je n’y suis pas à l’aise comme ouvreur de livres, je l’ai dit. Il m’a toujours semblé qu’un mensonge et comme un diable (un diabolos) gouvernait cet espace des cantonnements, des taxinomies. C’est un règne menteur à mes yeux, plus fictionnel que les fictions. Et puis c’est un piège qui isole le moi de ses motifs, de ses supports d’observation. En somme, c’est à fuir. C’est à fuir vers l’Idéal de tout ça, vers des formes qui sont à la fois toujours et jamais le monde. Oui, il y a beaucoup de platonisme et beaucoup de romantisme dans mes livres. Tous aspirent à rencontrer un ordre sidéral où les formes du monde se ramassent, se regroupent, se fondent en des uns se fondant en l’Un. Mes livres cherchent à rencontrer l’ordre de l’Un, je ne peux pas mieux dire. Et à les lire, je vois combien ils vivent leur passage par l’observation des choses comme une épreuve dispensable, comme une torture sans objet ou, au mieux, comme une séquence initiatique.

Ils prennent la tangente, je le vois, de deux façons : la première consiste à travailler le monde depuis une langue qui en dit le caractère intenable, une langue elle-même intenable, impropre à la consommation. La seconde, toute complémentaire, consiste à dire le règne à quoi se rendre, où se rendre, depuis une langue qui soit hospitalière, depuis une langue qui, par adhésion à un certain nombre de principes d’élucidation (répétitions, syntaxe apaisée, lexique emprunté à la parole ou au livre d’en haut) dit la paix rencontrée en terre anagogique.

L’anaphorique fait le style furieux, de mes livres, l’anagogique le fait tranquille.

Et qu’est-ce que j’appelle le style lorsque j’écris ça ?

Je n’essentialiserais pas le style comme Flaubert… Je préfère l’option Buffon…

Je ne crois pas du tout qu’une œuvre, qu’un livre, ce soit une langue et c’est tout, que le style (au sens de langue inédite) soit une « manière absolue de voir les choses » car cela reviendrait à faire de la littérature une affaire de langage ;  or, je crois que si la littérature est en effet une affaire de langage, elle ne l’est que de façon seconde, étant me semble-t-il au premier chef une affaire de résolution de l’être en objet et de l’objet en être dont le langage est un outil, pas le seul, et pas comme langage, le plus souvent, mais comme partialité rythmique, lexicale, du langage qui ne me semble jamais totalement engagé comme tel en littérature (c’est un autre sujet, revenons-y à l’occasion si tu veux). Je ne dirais d’aucun livre que j’aime que son affaire soit d’être langage. Tous les livres que j’aime fondent leur existence propre sur un rapport du sujet à l’objet et de cette phénoménologie à l’être dont le langage est à mes yeux, jusque dans ses involontés patentes, le traducteur servile.

Il y a en littérature une servilité du langage qui me semble lui interdire d’être l’œuvre.

En revanche, le rapport qu’établit Buffon entre le style et l’homme et qui me semble en creux assujettir, subordonner les formes stylistiques à l’affirmation d’une identité de livre qui soit arrachement, affranchissement aventureux d’un objet par rapport à une humanité ouvrière, c’est-à-dire les assujettir, les subordonner à un dialogue entre facteur de livres et livres, me semble convenir davantage…

Je dirais du style qu’il est une modalisation, c’est-à-dire une traduction dans la forme du langage comme aliénation en forme d’un rapport sujet-objet et sujet-objet-être, du rapport entre l’ouvreur de livre et son livre.
  

A mes yeux, si la littérature n’est pas soluble en le style, c’est que le style est la modalité du dialogue ouvrier entre l’auteur, le sujet auteur et son livre, l’objet-livre.

Le style est la forme de l’échange entre l’auteur et sa matière qui lève et qui s’en va.

Le style c’est l’homme au travail du livre.

Pas le livre.

Le travail, pas le produit.

Ce n’est ni tout l’homme ni tout le livre, c’est la forme d’un dialogue phénoménologique intime entre celui qui écrit et cela qu’il écrit.

Ainsi l’angoisse éprouvée devant telle ou telle direction prise par le livre me semble-t-elle trouver sa traduction formelle dans telle ou telle modalité du langage littéraire, de même que la paix éprouvée au constat de la direction du livre vers une résolution de ses formes en une forme majeure, anagogique, me semble trouver sa traduction dans d’autres modalités…

Oui, je dirais du style qu’il est l’homme au travail, saisissable dans la forme du livre, ou le dialogue de l’homme et de son œuvre repérable dans le langage qui est – et n’est que – la matière du livre.

En quelque sorte, le style, c’est l’œuvre mais je ne dis pas là une chose si simple parce que ce que j’entends par œuvre, c’est le processus d’œuvre, pas le terme, le devenir, pas le terme ; je ne parle pas au perfectif…je dis quelque chose d’un peu deleuzien alors je précise : le style, c’est l’œuvrer, le style, c’est l’ouvrer, le style c’est l’homme au travail du livre.

Je parle à l’imperfectif : « Le style, c’est l’œuvre ».

Soyons un peu définitifs, Zoé : « le style, c’est le travail de l’œuvre ».

« Le style, c’est l’œuvrer ».

Mon style, c’est le travail de mes œuvres. Il est en dépendance de mes livres. J’ai le style du travail de mes livres. Si je n’en ai qu’un, j’en dirais qu’il est panique au monde, serein outre, c’est-à-dire, tutto sommato, arythmique, irrégulier ou formidablement homogène si on lui applique un regard fondé sur l’observation immédiatiste (au sens de Jankélévitch) du travail de l’œuvre c’est-à-dire, en ce qui regarde mes livres, d’un travail dont tout le sens est la quête fiévreuse, impatiente, d’une façon de point d’orgue.

Voilà, le style, c’est le travail de l’œuvre et le mien, c’est le travail d’une aspiration à l’unicité paisible comme résolution. »

In D'après les livres (Conversation) – Emmanuel Tugny & Zoé Balthus Postface de Cyril Crignon – à paraître en octobre chez Gwen Catala Editeur

dimanche 10 janvier 2016

Paul de Pignol : Incarnations


Ces bras qui m'encombrent II - 2006
bronze
- Paul de Pignol (c) Yann Fravalo Riopelle

La mélancolie de la chair 


Splendides tragédiennes, femmes insomnieuses, filles des meurtrissures séculaires, érigées dans la lumière, d’une beauté sans visage, sauvage et parfois menaçante, toutes extraites du dedans, toutes d’origine primitive, issues de lésions intrinsèques. 

Apparitions victorieuses pourtant, aux allures de Parques, aux ventres bombés, hanches généreuses, porteuses de vie et d’espérance, cernées de ténèbres irrémédiables, adversaires implacable de la résurrection. 

Ces dames bruissent, elles chuchotent, certaines chantent, rient ou soupirent, quand d’autres pleurent et expirent dans le noir. Chacune appelle et s’exprime en un langage pur et majestueux, ancré dans les tréfonds de l’être, qui se rapproche de la vérité la plus crue, l’émotion même, proche de l’agonie ou de la jouissance parfois. 

Incarnations mystiques 

Figures débordantes d’une fusion de lave, un jaillissement de chair, un bouillonnement de sang. Créations en perpétuelle régénération, toujours uniques, sœurs, cousines, filles, mères. Gardiennes des prophéties, grandes prêtresses, maîtresses de cérémonies, veuves des sanctuaires, hautes reines rhizomiques. 

Essaims gonflés d’humeurs, pleins d’abcès, de fluides et de tumeurs, de flétrissures obscènes, de fentes avides et de désirs primaires. La présence masculine n’est remarquable qu’assassine, scandaleuse, pénétrante, violeuse. 

L’innocence vacille dans le terrible tumulte, fraîcheur désemparée dans la coulée de nuit. Elle se déracine singulièrement, gisant en lévitation horizontale, se sépare par miracle du sol, s’élève aux étoiles, semblant toute entière appelée par les constellations. 

Des billes de cire comme autant de gouttes de sang, d’étoiles de carbone, modèlent blessures, lèvres, tétons, flancs, joues, bras, fesses, cuisses. Mélancolie de la chair, expression du mystère dans le sens de la révélation. Tout est en place pour l’éternité. Tout n’existe que dans l’émotion rituelle de l’absolue nécessité. Cela tient debout, même si cela s’effondre, cela tient debout malgré le chaos. Pour aider, pour aider à comprendre, à donner, à entendre, à vivre. Pour aimer. 

Figures totémiques 

C’est à la fois le mal et le bien, la beauté et la laideur, la pesanteur et la grâce qui s’incarnent dans ces créatures vives, portant avec noblesse les formes épanouies des amantes. La lutte qui anime ces organismes de femelles, exhibant une multitude d’excroissances et de masses, de courbes et de rondeurs, toutes figées sur leur base. Racines, tubercules, prises dans leur dualité de cruauté et de tendresse, se métamorphosent en effigies saisissantes, effrayantes, séduisantes, obsédantes. 

Lucrèce, Vénus, Gaïa, mère nourricière, déesse de la terre ou créature extraterrestre, émanations sacrées, fondamentales, figures totémiques enracinées comme des roseaux noirs dans le ventre de la terre, résolument tendues vers les cieux, isolées ou par groupes. Elles penchent, flanchent, tremblent mais résistent avec glorieuse dignité. Toutes imposent la force surnaturelle et sanctifiée de la mère originelle. 

L’étirement de leurs ombres de bronze sur les pierres chaudes qui surplombent la mer dans le couchant, évoque la solennité d’éternité de leurs cousines lointaines, les mystérieuses sentinelles moai de l’île de Pâques qui dominent vaisseaux, âges et tempêtes. 

Méditation métaphysique 

L’artiste fait ce qu’il peut comme il le peut, questionnant sans cesse ce qui se joue à l’intérieur du corps, dans les entrailles sanguinolentes, au cœur de la matrice insaisissable. Le processus de création s’accomplit, avec lenteur. Sa ferveur est quasi religieuse. 

Il s’agit d’une méditation métaphysique sur l’intimité même de la matière, la faille sensuelle et vertigineuse, le chaos de l’origine et sa poignante œuvre de chair. 

Sa sculpture est, dit-il, « rituelle, vouée à autre chose. A une puissance autre, c’est-à-dire à une puissance spirituelle. » 


Zoé Balthus, novembre 2015, Paris

In Incarnations, Paul de Pignol, Sculptures & Dessins, Textes de Zoé Balthus & Antoni Casas Ros (Ed. Galerie Lanzenberg, Galerie Mézières, Galerie Koralewski)


Parution lors de l'exposition Incarnations  de Paul de Pignol, du 28 janvier au 12 mars  2016 à Bruxelles Galerie Fred Lanzenberg


samedi 9 janvier 2016

NYC, U and me

NYC yellow cab — octobre 2001 (c) Zoé Balthus


L’été indien, en cet an 01, commençait bien. L’azur du ciel ensoleillé étincelait sur l’acier vert d’eau de la Mustang décapotée, aux sièges brûlants, d’un cuir plus tout à fait blanc. L’automobile filait depuis quelque temps le long de l’asphalte flou de l’Highway 95. Nous avions quitté dans la matinée les rives rousses du Potomac, bordant Washington D.C, et avions emprunté de petites routes en direction du nord. L’itinéraire demeurait imprévu. Il était celui de deux amoureux au bonheur insolent, libres comme l’air chaud qui s’engouffrait sous ma chemise de lin clair, caressait mes seins nus et rendait ma chevelure folle. Nous étions prêts à emprunter tous les chemins de traverse qui appelleraient notre désir au gré des éléments tourbillonnants, imprévisibles, la couleur des nuages, la saveur du temps, les reflets de l’espace et les grains de folie, que le hasard ou la fatalité sauraient semer sur notre poétique passage.

L’idée était de poursuivre le long de la côte Est que nous remontions depuis quelques jours. Nous roulions ainsi au petit bonheur la chance depuis Fort Lauderdale en Floride, sans jamais oublier d’aller embrasser l’océan de temps en temps. Un peu plus tôt, nous nous étions ainsi arrêtés sur la plage de l’inhumaine station balnéaire Atlantic City. Déçus, nous sommes remontés à bord de notre fougueux bolide, avons roulé le long de l’eau en quête de la rive sauvage idéale. Nous l’avons découverte notre petite crique désertique et avons plongés, nus, dans le courant de ses vagues fraîches. 

(...) To be continued


In NYC, U and me, Zoé Balthus, paru aux éditions Derrière La Salle de Bains