(c) Marc Atkins |
Enigma, le second roman d’Antoni Casas Ros, est une variation de quatre solitudes entre-croisées, tressées les unes avec les autres. Tels des pieds de lierre, elles se sustentent de l’écorce et la sève d’un seul et même arbre, éternellement puissant, enraciné au plus profond de la terre jusqu’à toucher le ciel. Leur arbre de vie s’appelle Littérature.
Elles rendront alors hommage à son énigme par la voie de la fiction, la plus naturelle façon en soi, laquelle peut bien tout s’autoriser. Elles adresseront ainsi d’extravagants clins d’œil à quelques-uns de ses meilleurs serviteurs tels que Pessoa, Bolaño, Fresan, Kawabata, Vila-Matas mais aussi Sade, Balzac, Barbey d’Aurevilly, Apollinaire pour ne citer que ces écrivains parmi tous ceux qui planent souverainement sur Enigma.
Elles rendront alors hommage à son énigme par la voie de la fiction, la plus naturelle façon en soi, laquelle peut bien tout s’autoriser. Elles adresseront ainsi d’extravagants clins d’œil à quelques-uns de ses meilleurs serviteurs tels que Pessoa, Bolaño, Fresan, Kawabata, Vila-Matas mais aussi Sade, Balzac, Barbey d’Aurevilly, Apollinaire pour ne citer que ces écrivains parmi tous ceux qui planent souverainement sur Enigma.
Avec Enigma, Antoni Casas Ros interprète une foisonnante partition de sensibilités au monde qui s’expriment dans la solitude de la pensée et de la création. Nous y pénétrons par les dialogues intérieurs qui animent ces quatre singuliers personnages aux étranges destins qui s’entremêlent au cœur de Barcelone : Joaquim d’abord, professeur de Lettres, tout entier voué à « sa dissection de la littérature » ; Zoé, exceptionnelle étudiante, érudite et fatale, à la « dynamique volcanique et sensuelle » qui le fascine et qu’il surnomme secrètement Fulvia, la fille aux yeux d’or; Naoki, la Japonaise privée de parole dont « le silence intérieur se lisait comme un poème » et qui se livre à la volupté en haute-technologie grâce au iPod Vibe et au rêve de Nimrod; Ricardo, beau ténébreux, allie toujours la poésie à la mort qu’il sème, d’autant qu’il espère percer un jour, par l’écriture, le mystère d’« une dimension des choses qui demeure », ce même mystère « qui jette son voile sur le visage et les yeux de ceux qui, face à [lui], vivent leurs derniers instants ».
« J'aime les extrêmes, je suis attiré par le monstrueux et par la beauté parce qu'ils se rejoignent, se touchent presque et se cherchent sans fin. Lorsque la beauté est fascinée par la laideur ou l'inverse, il se produit pour moi une sorte d'alchimie que je ne peux expliquer mais qui suscite une sorte de fraîcheur créatrice. Le seul personnage qui ne soit pas ambivalent, c'est Zoé, les trois autres sont soumis à de violents contrastes entre la violence et la beauté », déclarait Antoni Casas Ros dans un entretien publié la semaine dernière par Fluctuat.net.
Enigma est également l’expression d’un paradoxe qui attache, tout au long des pages, les personnages entre eux - chacun aux prises avec ses propres désirs et frustrations, rêves et angoisses, réalités et fictions – et au plus près par le biais d’un projet littéraire fou, en même temps qu’il les délivre de leurs multiples chaînes révélées notamment par leur confrontation fantastique à l’Ange de l’Onyx.
« J’avais envie de lui dire : Ne reviens jamais, ne réapparais plus, mais je me tus, comme si j’avais retrouvé le silence d’avant l’Onyx. » s’émeut Naoki, après sa nuit d’amour avec Ricardo et la découverte d’ « une forme de jouissance qui [la] terrifiait ».
Enigma se distingue également dans la chair que l’art et l’amour transfigurent, renfermant le pouvoir de la libérer de ses tabous, unissant le quatuor plus intimement encore dans la jouissance et la sensualité des corps, surmontées de l’illusion superbe et provocante d’atteindre à la vérité d’un tout.
« Le corps de Zoé est un poème, votre corps est un poème, celui de Ricardo aussi, et c’est un peu comme si nous formions à nous quatre une vérité poétique qui s’exprime à travers la sexualité, qui invente un grand corps où quatre fragments trouvent leur complétude » explique ainsi Naoki à Joaquim.
Antoni Casas Ros, comme dans son premier roman Le Théorème d’Almodovar, prône une sexualité ouverte qui ne doit pas avoir peur d’elle-même, qui exclut la culpabilité d’un désir charnel, profond et intime de l’autre, quel que soit son sexe, et porte en elle la promesse d’une vision du monde renouvelée.
Enigma est une part du secret qui unit Antoni Casas Ros à la fiction en existence, à l’existence en fiction d’Antoni Casas Ros.
Enigma, Antoni Casas Ros (Ed. Gallimard, Nrf)